Article de Patrick Hernot paru le 17 septembre 2022
Restauration ou création, l’atelier AD ébénistes à Riec-sur-Bélon prolonge la tradition de ce métier d’art qui perpétue des techniques ancestrales pour préserver le mobilier d’hier et inventer celui d’aujourd’hui.
La saboterie n’est plus qu’un souvenir dans la zone artisanale de Kermorvan, à Riec-sur-Bélon, mais on travaille toujours le bois dans le bâtiment. En effet, l’atelier AD ébénistes a investi les lieux en décembre 2018 pour poursuivre son activité dans un espace plus grand. Les deux artisans ont ainsi trouvé le cadre nécessaire au développement de la création du mobilier pour satisfaire la demande de clients qui, pour la plupart, les ont connus par le biais de travaux de restauration de meuble. « Le bouche-à-oreille est notre meilleure publicité », sourit Emmanuelle Delanoë, le D d’AD ébénistes, venue en stage en 2009 dans l’atelier de Jean-François Allain et désormais associée. Ce compagnonnage leur permet de passer de l’ancien au contemporain, de ciseler du sur-mesure pour remettre au goût les souvenirs du passé ou concrétiser des envies. Du Sud-Finistère au Golfe du Morbihan, les commandes affluent. « Le carnet est plein jusqu’au printemps », confirme Jean-François Allain.
Du tableau de bord d’une Jaguar au meuble Louis XIII
Les deux ébénistes achèvent un meuble encoignure, destiné à mettre en valeur un verre de 1890. « Le client nous a laissé carte blanche. Nous avons opté pour un style art nouveau comme le verre », expliquent-ils. Chaque commande est d’abord une rencontre qui doit consolider le socle parfois branlant d’un héritage ou dessiner une envie future. Jonglant avec les styles et les essences de bois, ils ont créé un moule à beurre, restauré le tableau de bord d’une antique Jaguar, restauré une armoire époque Louis XIII et des statuettes religieuses du XVIe siècle, façonné des trophées pour une course à pied. Ce grand écart d’une période à l’autre est l’essence de leur métier. « Les ébénistes au temps de Louis XV étaient les designers de cette époque », souligne Emmanuelle Delanoë. Et dans l’atelier riécois, les deux artisans perpétuent les gestes et les techniques de cet âge d’or. « On crée comme au XVIIIe siècle, avec les mêmes assemblages. On est désormais aidés par les machines mais on travaille beaucoup à la main », rappelle Jean-François Allain, qui continue ainsi à utiliser la colle de poisson.
La dorure, une activité supplémentaire
S’ils aiment travailler l’érable ou le noyer, les bois rares de rose ou de violette pour le plaquage, ils veillent avant tout à préserver le fil d’une histoire. C’est pour cette raison qu’ils récupèrent des vieux meubles auprès de particuliers. Une fois démontés, ils serviront à la restauration. « Il faut trouver la même essence et de préférence la même ancienneté. Dans ces conditions, les traces de restauration sont invisibles », précise Jean-François Allain qui conserve, entre autres, dans sa réserve, une porte du XVIIIe siècle pour de futurs travaux. « On touche aussi d’autres matériaux dans la restauration, du marbre au bronze en passant par le cuir, sans oublier les serrures », ajoute Emmanuelle Delanoë. Autant d’occasions de travailler et d’échanger avec d’autres artisans, comme les tapissiers, les bronziers ou les gainiers (cuir). Une véritable confrérie des métiers d’art qui ouvre aussi de nouveaux horizons. Emmanuelle a ajouté une nouvelle activité à l’atelier après avoir été formée, l’année dernière, par l’un des derniers doreurs de la région. Feuilles d’or, d’argent ou de cuivre, elle rénove désormais les cadres de tableaux et de miroirs.